Dans les premières heures d’une nuit d’automne, la forêt tout entière se couvre d’un manteau de mystère. Les brumes, fines et éthérées, serpentent entre les arbres centenaires, comme des fantômes oubliés qui dansent au gré des soupirs du vent. L’air est chargé d’une humidité douce, imprégnée de l’odeur musquée de la terre mouillée et des feuilles en décomposition. C’est la saison où la nature respire lourdement, où chaque craquement sous les pas raconte l’histoire des bêtes qui y vivent. Et au cœur de ce théâtre sauvage, un roi s’apprête à livrer son chant le plus majestueux.
Tout commence par un frémissement imperceptible. Les oiseaux nocturnes, sentinelles discrètes de la nuit, se taisent brusquement. Le silence qui suit est presque oppressant, comme un souffle retenu avant une déflagration. Puis, il se lève. Le cerf. Droit comme une ombre géante entre les troncs, il s’ébroue avec puissance, élevant sa tête vers le ciel étoilé. Ses bois, larges et massifs, semblent vouloir percer les étoiles elles-mêmes, capturant des éclats d’argent dans leur courbe majestueuse. Mais ce n’est pas la vue qui saisit le cœur du promeneur perdu dans cette mer de ténèbres. C’est le cri. Le brame.
Le son s’élève, profond et guttural, comme une vague rugissante se fracassant contre les récifs du silence. Ce n’est pas un simple cri d’animal. C’est une incantation ancestrale, une prière païenne adressée aux forces immuables de la nature. Chaque note semble vibrer dans la moelle des os, résonner dans les veines et emplir le cœur d’une étrange mélancolie. C’est le chant de la vie brute, sans compromis, un appel à l’amour et à la domination, à la lutte pour la survie.
Dans cet instant, tout se fige. Le monde extérieur, fait de lumières artificielles et de bruits incessants, disparaît. Il n’y a plus que l’obscurité des bois et ce chant profond qui transperce la nuit. Chaque brame est un défi lancé aux autres mâles, un cri de possession pour les vastes terres qu’il revendique. Mais plus encore, c’est une ode à la femelle, à la beauté sauvage, à l’instant de grâce où deux êtres se rejoignent dans le ballet primal de la vie.
Les biches, silencieuses et gracieuses, se cachent dans l’ombre des fourrés. Elles écoutent, attentives, jaugeant la force du roi qui leur promet protection et descendance. Leurs yeux brillent dans la pénombre, guettant le moment où elles se laisseront séduire par ce roi vocal, ce seigneur des forêts.
Le brame se répète, écho indomptable dans la voûte végétale. À chaque cri, c’est comme si la forêt elle-même frissonnait en réponse. Les arbres semblent se pencher pour mieux écouter, les branches se tendent vers le ciel, et même les ruisseaux ralentissent leur course pour mieux savourer cette mélodie sauvage.
Et puis, soudain, tout s’arrête. Le cerf, ayant déployé toute sa force, retombe dans le silence. Ses flancs se soulèvent encore, lourds du souffle qu’il a libéré. Les étoiles au-dessus de lui semblent avoir entendu son appel, témoins immuables de cette scène millénaire. Le roi se retire dans l’ombre, satisfait de son œuvre. Il sait que d’autres viendront, que la lutte pour le territoire et la conquête est loin d’être terminée. Mais pour l’instant, il savoure la quiétude retrouvée.
La forêt, doucement, reprend vie. Les hululements des chouettes percent à nouveau l’obscurité, le vent caresse les feuillages, et les biches, invisibles et furtives, s’éloignent dans un murmure de pas feutrés. La nature a vécu un de ses grands moments, un de ces instants où elle rappelle à l’homme que, sous ses apparences calmes et endormies, elle cache encore des forces insondables, des cris de vie que l’on ne peut ignorer.
Dans les profondeurs des bois, le brame du cerf continuera de retentir, rappelant à chaque créature, grande ou petite, que la forêt appartient toujours à ceux qui osent chanter la vie, avec force et fierté.
Fabrice Seguin
Photographe animalier utilisant du matériel Nikon, Benro, GoPro, Photoshop, lightroom CC, Créative Cloud.
Passionné par l'informatique et la conception de site web. Mais aussi par le bricolage et la mécanique.
Cycliste amateur dans ma jeunesse, deux fois champion de Normandie.
Musher (conducteur de chien de trainaux) pendant 25 ans avec de nombreux championnats de france et 8 trophés de Savoie.
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